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Recyclerie de Rillieux-la-Pape #2 : mise en œuvre de réemploi

Visite réservée aux adhérents VAD

En juin 2022, Ville & Aménagement Durable vous proposait de découvrir le stock de réemploi constitué pour la construction de la nouvelle recyclerie de REED : la Halle du Réemploi, à Rillieux-la-Pape (69).
En 2023 c’est le temps du chantier. Retour sur une visite où s’est posée la question de l’intégration des éléments du réemploi issus de la collecte organisée par le groupe GEIM.

Objectif : 50 % de matériaux de réemploi !

Une visite organisée dans le cadre de l’action collective réemploi de VAD

Synthèse de la visite

Contexte :

En 2015 le groupe GEIM créée une première recyclerie à Rillieux-la-Pape sur l’ancien quartier militaire d’Ostérode, avec l’appui de la Métropole de Lyon très active sur le sujet.
Plus récemment, GEIM a mis en place, avec le Réseau National des Ressourcerie et Recycleries, la nouvelle formation « Agent·e valoriste des biens de consommation courante » qui délivre un titre professionnel de niveau 3 enregistré au RNCP.

Dans le cadre d’un grand projet de réaménagement urbain visant à créer le nouvel écoquartier d’Ostérode, les premiers locaux de la recyclerie vont être démolis. Soucieuse de conserver la recyclerie sur son territoire, la Ville de Rillieux-la-Pape a mis à disposition de GEIM un terrain, sous forme d’un bail emphytéotique de 40 ans, pour y construire ses nouveaux locaux. Au-delà d’une simple relocalisation de ses activités, GEIM créée la Halle du Réemploi, un lieu pensé pour explorer, développer et professionnaliser l’économie circulaire et solidaire, sur le territoire de Rillieux-la-Pape et plus largement du plateau Nord Val de Saône.

Description du projet :

L’objectif du projet de construction de la Halle du Réemploi est d’atteindre 50% de matériaux de réemploi dans la construction par le biais d’une démarche de réemploi solidaire.

Le site du projet est un délaissé urbain situé à l’entrée du futur écoquartier d’Ostérode. Le terrain est contraint par une grande antenne, avec une servitude d’ondes : il ne fallait pas monter trop haut pour ne pas perturber l’émission et la réception des ondes.

Le programme se décline en une partie « ERP » consacrée à la boutique solidaire, la formation et la sensibilisation du public au réemploi, et une partie « Code du Travail » consacrée aux ateliers et à la logistique de la recyclerie. A l’étage se trouvent les locaux administratifs et bureaux. Le volume et la structure sont simples : une grande halle rassemblant sous un même toit toutes les activités du site, avec une trame poteau-poutres de 4,30 m permettant une grande souplesse d’aménagement.
L’enjeu était d’utiliser les matériaux de réemploi pour la composition des façades, ce qui s’est traduit par un rythme vertical, permettant d’adapter un habillage en bois de palettes : largeurs de 40, 70, 110 cm. Cet habillage en bois de palette sera peint pour partie, tandis qu’une autre partie se verra appliquer une huile incolore. L’absence de PV sur le produit utilisé aurait pu être un point bloquant, mais en accord avec le bureau de contrôle, il n’y avait pas d’exigence particulière sur le bardage extérieur.
La toiture est prévue en bacs acier.
Le bâtiment comprend 2 700 m² de surface avec deux bâtiments annexes.

Collecte :

Sources : Un partenariat a été établi avec Valdelia, éco-organisme spécialisé dans la récupération du mobilier professionnel, qui développe aujourd’hui une filière matériaux de construction. GEIM a également travaillé avec des entreprises de démolition ou de rénovation, qui l’ont sollicité pour des collectes et/ou des prélèvements sur chantier. Les matériaux, valorisés en tant que dons, ont été collectés et démantelés sans les abimer. Des fiches produits ont été réalisées pour assurer leur traçabilité. La collecte demande du temps, lié à la dépose, au transport, au stockage.
Le succès de cette collecte repose sur le pilotage d’un chantier d’insertion, associé à une importante capacité de stockage pendant le temps de collecte (1,5 ans) et le temps de chantier.

Réemploi et insertion :

Pour atteindre un objectif de 50% de réemploi dans la construction, GEIM a fait le choix d’internaliser les compétences et de créer un chantier d’insertion pour la collecte et la mise en œuvre des matériaux. Ont été internalisés : une AMO, un conducteur de travaux, deux encadrants chef·fe·s d’équipes, et 15 personnes en parcours d’insertion. Concernant le poste d’encadrant, la difficulté est de trouver des personnes connaissant tous les lots du bâtiment, tout en étant pédagogues. Cela prend du temps, mais permet de révéler les gens. Il faut à la base des gens compétents, car on renforce le besoin de technique, ce qui est très positif !
280 t de matériaux ont été récupérées en 1,5 an.
En terme de conception, le travail est inverse par rapport au processus classique : il s’agit d’adapter le projet aux matériaux trouvés.
Le réemploi amène de nouveaux métiers. Ici, les matériaux sont démontés et remontés par les mêmes personnes. C’est valorisant et cela aide ces personnes à se reconstruire.

Recourir au travail en insertion a permis de garder la surface envisagée pour le bâtiment, en respectant le budget initial de 5M d’euros, malgré les hausses de prix des matériaux. Il aurait fallu 1M de plus avec entreprises classiques, en fourniture et main d’œuvre. Aujourd’hui beaucoup de temps a été passé sur le chantier, avec un coût horaire réduit car les emplois d’insertion sont des emplois aidés : en contrepartie, les personnes sont formées et préparées à retrouver un emploi durable. L’achat de matériaux de seconde vie a également permis de maîtriser les coûts.

Matériaux :

  • Structure bois et intérieur :
    La structure bois est constituée principalement de bois français, venant à 80 % du Massif du Jura et du Massif Central . De la laine de bois est utilisée en isolation. L’objectif est d’avoir un bâtiment semi-passif, sans climatisation, avec une surisolation, et une chaudière bois pour couvrir les besoins de chauffage et d’ECS.
    Les travées de 4,30 m permettent de ne pas recourir au lamellé collé, favorisant ainsi le bois en provenance d’une scierie locale. Le bois peut alors être brut de sciage, sans temps de séchage ni transformation. Une scie mobile a été utilisée pour monter l’ossature intérieure. Les chutes ultimes seront utilisées en bois de chauffage.
    Pour faire les planchers de l’étage, des plateaux de bureaux en aggloméré ont été utilisés. 1 500 plateaux ont été récupérés en partenariat avec Valdélia, ce qui demande beaucoup de logistique.
    Le contreventement est assuré par des tirants métalliques.
    Une trentaine de m² de parquet en douglas ont été récupérés, ce qui est une essence rarement utilisée en parquet. L’objectif est de recréer une ambiance « maison », dans un bureau.
  • Bois de palette en bardage et autres bois :
    Différents bois sont présents dans les palettes : les bois un peu rouges sont du douglas hors aubier et peuvent rester apparents. Les bois de pin ou sapin vont être peints par préparation à base d’écaille de poisson ou de chaux qui leur donnera une bonne résistance : une trentaine d’années si 3 couches sont appliquées. Une nomenclature de bardage a été établie, de manière à concevoir un bardage permettant de démonter une lame en cas de besoin. Les fixations sont laissées apparentes.
  • Annexes :
    Dans les bâtiments annexes dédiés au stockage, il n’y a pas de besoin de chauffage autre que pour assurer le hors gel. Les murs en ossature bois sont isolés avec de la laine de roche de réemploi, et doublés avec des chutes de fermacell et de la volige utilisée en lambris, posés sur des liteaux de réemploi. Les dalles bétons sont isolées uniquement en périphérie.
    Contrairement à la laine de verre, la laine de roche ne se désagrège pas. Il est possible de la récupérer dans les dalles de faux plafond, qu’il faut ensuite empiler pour obtenir l’épaisseur requise Elle entre dans la composition des parois coupe-feu avec une double peau de placo de récupération.
  • Comptabilisation du réemploi :
    Les 50 % de réemploi sont comptabilisé en « réel » : en fonction de l’ouvrage, il faut parler en poids, m3 (cubage de bois, gravats), et m² (isolants).
    Les chutes sont quantifiées et les déchets ultimes à évacuer sont minimisés : 2 Big Bag maximum par semaine. Les plateformes béton existantes avant terrassement ont été concassées sur le site pour mettre en œuvre les gravats, ce qui reste moins cher que faire venir des cailloux d’ailleurs.
  • Equipements électriques :
    Les équipements électriques sont réemployés : interrupteurs, chemins de câble, disjoncteurs différentiels (car testés tous les ans), câbles de sections 1,5 mm² et 2,5 mm² (pas de risque car ils sont très gros pour ce qu’on leur demande, mais les 6 mm² ou plus grosses sections ne sont pas réutilisés en tant que tel), BAES à LED (les ampoules et la batterie sont changés). L’électricien demande que le câble soit mesuré et qu’il ne soit pas abimé.
  • Traçabilité des éléments :
    La traçabilité de chaque élément est assurée : tout est photographié, enregistré. Il sera possible de dire à quelqu’un qui a donné un matériau, où exactement est reposé son produit.

Assurabilité :

Au-delà de la position du BC ou de l’assureur, concernant l’assurabilité, il y a un vrai engagement de la MOA qui est sachante sur le sujet du bois par exemple. A l’exception des lots Terrassement, VRD et maçonnerie, la mission DET est portée en interne. Les détails architecturaux sont réalisés en co-conception. Lieux Fauves a une mission de suivi architectural, et a réajusté son contrat avec la MAF.
Le réemploi d’éléments structurels n’est pas prévu, ce qui limite les risques. Si, par exemple, une cloison se détériore, l’impact est réduit : on peut maîtriser visuellement.
Pour l’assureur AXA, l’enjeu était plutôt sur l’auto-construction que sur le réemploi. La dommage-ouvrage ne couvrira pas les travaux réalisés en auto-construction : par conséquent elle ne couvre pas les matériaux de réemploi utilisés en second-oeuvre. Pour l’électricité et la plomberie : l’entreprise mandatée pour ces lots vérifiera l’ensemble de ce qui a été posé par le chantier d’insertion et fait jouer sa décennale.
Les bacs aciers de réemploi n’ont pas été posés en toiture car le bouchage des trous était trop contraignant en technique et en temps. Et le bac acier est posé par le charpentier, ce qui engage sa responsabilité.

Perspectives :

la Halle du Réemploi bénéficie d’un bail emphytéotique de 40 ans et fera partie du nouvel écoquartier d’Ostérode : GEIM va pouvoir créer des lien avec les entreprises de cette future zone d’activité et du territoire Plateau Nord, en leur proposant des services. Pour le directeur général, il s’agit de rapprocher « le social et l’économique, à travers l’économie circulaire et le réemploi solidaire » . Très vite se posera la question de la massification et de l’essaimage des activités.
Aujourd’hui, le réemploi n’est pas une activité rentable, s’il n’est pas associé à un modèle économique mixte, le réemploi solidaire. Pour massifier, un travail reste à fournir sur le modèle économique, associé au territoire, avec la question de logistique dans un contexte urbain où le foncier est cher.

Déroulé de la visite

15h50 : accueil sur site
16h : présentation du projet par ses acteurs
16h30 : visite du site
17h15 : temps d’échanges
17h30 : clôture de l’événement

Acteurs du projet

Maitre d’ouvrage : GEIM
Architecte : Lieux Fauves (anciennement Tekhne)
Bureau d’études HQE : TRIBU
Bureau d’études fluides : Strem
Economiste : Denizou
Bureau d’étude structure : Gustave Ingénieur du Bois
Bureau d’Etudes Terrassement VRD : SAFEGE

> Retrouvez toutes les informations sur l’opération en consultant le compte-rendu et photos de la visite du 30 juin 2022 <

> Retrouvez également la présentation du projet issue de la réunion de l’action co’ sur le réemploi de matériel électrique (pp. 56-62) <

> Retrouvez le document de présentation du projet <

Contacts VAD : Nicolas Emin et Claire Vilasi


Voir en ligne : Site internet du groupe GEIM