Visite VAD+

La terre crue en construction - de l’extraction au produit fini

Visite VAD+ réservée aux adhérents de Ville & Aménagement Durable, organisée dans le cadre du cycle écomatériaux

Cette visite de sites de production s’est déroulée en deux temps pour vous permettre d’appréhender la filière terre crue à différents niveaux.

L’extraction de matière première : comment la matière peut-elle être extraite et quel rôle les carrières ont-elles à jouer pour aider les acteurs du BTP à se sourcer en terre crue pour leurs opérations, en complémentarité de l’utilisation de terres d’excavations ?

La fabrication de produits destinés à la construction : quelles solutions les fabricants de matériaux sont-ils en mesure de développer pour mettre sur le marché des éléments permettant de faciliter l’intégration de terre crue dans les projets de construction ?

Synthèse de la visite :

#1 – la carrière de Cemex :

Historique :

Les premières extractions ont été réalisées dans les années 70 par un particulier.
La première installation a été montée en 1988 par l’entreprise Guedy.
Morillon Corvol a repris le site en 1998.
Une autorisation d’exploitation du cours d’eau le Pétrier a été donnée en 1992, après l’avoir dévié et après avoir créé un déversoir qui permet au cours d’eau torrentiel de se déverser dans la carrière et dans la zone écologique afin notamment de protéger la ville de Septème en aval.
Pour 10 ans d’extraction, il faut parfois demander jusqu’à 20 ans d’autorisation en fonction du type de réaménagement (remblaiement par exemple).
Pour limiter l’impact sur la biodiversité, des travaux sont menés avec la LPO.

Activités de la carrière :

L’activité première de Cemex reste la production de BPE et granulats :
Production moyenne de la carrière de Cemex :

  • 3 000 tonnes de terres à pisé certaines années
  • 150 000 tonnes de granulats
  • 10 000 tonnes de granulats recyclés
  • Accueil de 60 000 tonnes de matériaux inertes

Il existe trois types de carrières :

  • Alluvionnaire
  • Roches massives : extraction par dynamitage
  • Extraction en eau, avec une draguline

La carrière de Cemex Oytier-Saint-Oblas est alluvionnaire. Son sol est composé de trois couches :

  • Terre végétale
  • Terre stérile : mélange de gravier et d’argile (terre à pisé)
  • Tout-venant (matière première utilisée pour la production de granulats à destination des clients producteurs de BPE, d’Enrobés, des Préfabriquants, des négoces de matériaux…)

Terre à pisé :

Pour la production de terre à pisé, il faut décaper la partie en terre végétale et ensuite en faire merlon périphérique de 2 à 3 mètres de haut maxi afin de ne pas dénaturer ses propriétés agronomiques (souvent autour des parcelles à exploiter dans la zone d’exclusion des 10 mètres), puis on enlève le stérile pour accéder au gisement. Il n’y a pas de contrainte de stockage du stérile quand à sa hauteur ou sa surface. Il représente une couche variable de 1 mètre d’épaisseur à parfois 4 à 5 mètres suivant les zones.
Les terres végétales ainsi qu’une partie du stérile de Oytier sont stockées et conservées après décapage pour le réaménagement final ou pour des contraintes d’exploitation comme la création de pistes d’accès.
C’est donc une partie du stérile qui est transformée, criblé et préparé pour en faire une terre a pisé prête à l’emploi.
Le criblage, bien qu’il paraisse simple, est une opération complexe liée à sa nature très argileuse qui génère colmatage accentué par les vibrations lors du tri.
La terre à pisé d’Oytier-Saint-Oblas a une teinte jaune, tandis que d’autres terre sont plus rouges, comme celle de Saint-Pierre-de-Chandieu.

Le premier projet réalisé à partir de terres à pisé de Cemex est la Maison pour tous à Four livrée en 2018.

Au début, la terre crue chez Cemex était mise à disposition des artisans en fonction de leurs chantiers prévisionnels : Cemex faisait en sorte de préparer les terres en fonctions des opportunités locales. Aujourd’hui vient l’industrialisation des process avec des acteurs comme Terrio (voir ci-après).

Le pisé peut être réalisé en se fournissant en terres auprès de carrières comme Cemex, ou peut être fait à partir de terres de site. Dans le dernier cas, il faut faire appel à un BE spécialisé pour caractériser la terre, vérifier sa composition et sa teneur en argile (doit être de 15% environ), son humidité, etc. Si les terres ont été polluées des études spécifiques doivent être réalisées.

Des opérations avec terres à pisé de Cemex sont en cours à Saint-Quentin-Fallavier : construction du préau d’une école et construction d’une halle commerciale.
Sur la Métropole de Lyon, les sous-stations du tramway T6 ont également été réalisées à partir des terres de Cemex, le Groupe Scolaire Jean Macé de Villefranche-sur-Saône et bien d’autres références.

En parallèle de la fourniture de terre à pisé, un autre levier employé par Cemex pour optimiser la donnée carbone et le développement d’une activité de recyclage de matériaux issus de déconstructions (ex : gravillons), sur le site d’Oytier-Saint-Oblas.

Caractérisation des terres par Cemex :

Le carrier a les outils et le foncier nécessaire à fiabiliser la chaîne de production. Cemex a caractérisé le gisement et peux justifier d’une résistance à la compression conforme aux normes actuelles. Mais ces normes évoluent.
Cette caractérisation pourrait être réalisée sur chantier avec par exemple un lot spécifique sur le traitement et la préparation de la terre de site, intégré au DCE.

Cemex s’engage sur une granulométrie, mais pas sur une hygrométrie (entre 8 et 10% requis). Les artisans ont des techniques pour sécher la terre s’il y a trop d’eau : ils peuvent l’étaler, ou utiliser un tout petit peu de chaux. Mais l’utilisation de chaux réduit significativement la résistance mécanique, de l’ordre de 50%.

Production, granulats et sables à béton :

Le tout-venant a une granulométrie de 0-80. Il est passé dans des cribles (tamis) et des concasseurs pour produire les différentes granulométries souhaitées. au tamis 0-4, puis à d’autres tamis jusqu’à 20. Il reste ensuite des galets qui sont concassés.
Les boues issues du process passent dans un clarificateur qui permet de réaliser une décantation des argiles. La décantation naturelle n’étant plus assez efficaces, de nouveaux process intègrent l’utilisation de floculent pour accélérer la décantation. Le floculent capte les particules, les agglomèrent et les fait descendre.

#2 – le site de production Terrio :

Historique :

Le site fonctionne depuis 2022, dans l’idée de développer de petites unités de production.
Terrio a travaillé à petite échelle sur 2023 et 2024, puis a connu un boum en 2025 avec l’ouverture d’un 2e site en région parisienne, à Sevran, avec le projet Re-Cycle Terre.
La volonté à l’origine du projet était de faciliter l’accès à la terre crue pour les non-spécialistes. Cela suppose de franchir le cap du normatif, car la terre crue est sortie du référentiel français à l’après-guerre, pendant la reconstruction, sous le Ministère de l’Equipement.

Préfabrication :

Terrio propose d’appliquer les codes de la construction hors site au pisé.
La préfabrication du pisé présente un investissement moins lourd qu’un ligne de production de BTC et peut donc produire en quantité moins importantes pour être rentable.

Pose des blocs :

La pose se fait en disposant les blocs les uns sur les autres avec application d’un un mortier. L’utilisation d’un mortier chaux-sable est caractérisée à la compression tandis que le mortier en terre crue ne l’est pas.
Un socle est à prévoir pour assoir la première ligne de blocs.

Informations clés du produit :

  • Temps de pose moyen : 25 m² de pose / jour pour les murs d’enceinte du groupe scolaire Samuel Paty à Tassin-la-Demi-Lune.
  • Masse volumique : 2,2 tonnes / m3
  • Coût indicatif : 250 à 290 euros / bloc, soit un coût posé de 550 à 650 euros / m²
  • Productivité du site de Saint-Priest : 20aine de blocs / jour
  • Temps de séchage d’un bloc préfabriqué : variable, de l’ordre de 1 mois
  • Temps d’attente moyen entre commande et livraison : 3 mois ½, pour caler le calepinage, lancer la production et laisser sécher les blocs

Contrôle qualité :

Terrio a un laboratoire qui permet le contrôle du taux d’humidité, ainsi que la résistance à la compression, au cisaillement, à l’arrachement.
Pour un gisement, des tests sont réalisés toutes les deux semaines.
Un exemple de test simple pour juger du taux d’humidité est celui de la boulette : on lâche une boulette de terre par terre et elle doit se casser en 3-4 morceaux si la terre a un taux d’humidité adapté au pisé.

Une filière à créer :

Un énorme travail est à fournir pour mettre en place la filière et créer le marché.
Il n’y a aujourd’hui pas de marché en place pour la fourniture de matière première mis à part quelques acteurs comme Cemex.
Pour la production, il y a 5 an il n’y avait que Martin Rauch en Autriche qui avait développé un outil de préfabrication de blocs pisés.
A la commercialisation / distribution, se posent les question de l’assurabilité, de la caractérisation, et de la communication auprès des acteurs pour faire connaître le produit.

Le pisé reste aujourd’hui une technique non courante, ce qui demande de passer par un avis de chantier. Pour construire en pisé, il faut anticiper avec le contrôleur technique pour établir une stratégie de réponse sur chaque sujet.
Ce n’est pourtant pas une technique nouvelle. On compte plus de 200 000 bâtiments en pisé en France, qui tiennent.

Une FDES existe, mais elle n’est pas encore sur la base Inies. Elle permettra d’avoir une donnée carbone plus favorables que celles données par défaut : 9 kgeqCO2/m² de mur au lieu des 40 kgeqCO2/m² de la FDES collective.

Terrio est souvent sollicité pour produire des blocs avec de la terre de site, mais le fabricant ne s’est pas positionné sur ce marché et ne le fait pas à moins d’avoir des dizaines de milliers de tonnes.

Le choix de l’implantation du site de Saint-Priest s’est fait en fonction de deux facteurs :

  • Accès à une bonne terre à pisé à proximité (nord-Isère)
  • Présence d’un marché à proximité (Métropole de Lyon)
    Les camions peuvent transporter une plus grande quantité de terre quand elle est en vrac, plutôt qu’en blocs. La proximité des chantier à livrer est donc à privilégier pour limiter les rotations de camions.

Rappel du programme :

  • 8h30 – Accueil café sur le site de Cemex - 147 Rte de Saint-Just, 38780 Oytier-Saint-Oblas
  • 9h – Visite de la carrière de Cemex, avec Julien Simon, Prescription & Promotion Rhône-Alpes, Cemex
    • Présentation de la structure
    • Visite commentée du site
  • 10h30 – départ pour Terrio - 103 rue de l’industrie, 69800 Saint Priest
  • 11h – Visite de la chaîne de production d’éléments en pisé préfabriqué Terrio, avec Stéphane Kirkland, directeur commercial, Terrio
    • Visite du site
    • Présentation de la structure et échanges
  • 12h – Fin du RDV